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Réclamations en responsabilité délictuelle en raison de la Loi sur la concurrence toujours viables : Fairhurst c. Anglo American PLC

05 décembre 2014

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Les acheteurs indirects peuvent-ils réclamer des dommages-intérêts en responsabilité délictuelle pour des infractions à la Loi sur la concurrence? C’était l’une des questions dont la Cour suprême de la Colombie-Britannique était saisie dans l’affaire Fairhurst v Anglo American PLC, 2014 BCSC 2270. Madame la juge Brown a estimé que le droit sur cette question était contradictoire et a conclu que les réclamations fondées sur la responsabilité délictuelle n’étaient pas « vouées à l’échec ». Les réclamations ont finalement été certifiées.

Ce résultat est quelque peu surprenant, compte tenu de la décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’affaire Wakelam v Wyeth Consumer Healthcare/Wyeth Soins de Sante Inc, 2014 BCCA 36, depuis plus tôt cette année. La Cour d’appel a statué que la Loi sur la concurrence codifie de façon exhaustive les recours disponibles en cas de violation de la Loi et qu’il n’est donc pas possible d’invoquer des réparations en equity (comme la restitution) fondées uniquement sur une violation de la Loi. La Cour a également laissé entendre que les infractions à la Loi sur la concurrence seraient incapables d’appuyer les réclamations fondées sur la responsabilité délictuelle (par opposition aux réclamations fondées sur l’une des causes d’action prévues par la loi disponibles en vertu de la Loi). Dans l’affaire Watson v Bank of American Corporation, 2014 BCSC 532, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a suivi l’arrêt Wakelam et a conclu qu’il était clair et évident que les poursuites en responsabilité délictuelle fondées uniquement sur des violations de la Loi sur la concurrence seraient rejetées (au par. 190).

Les mêmes types de réclamations en responsabilité délictuelle ont été présentées dans l’affaire Fairhurst. La demanderesse, un acheteur indirect, a allégué que les diamants avaient truqué les prix et les offres. Entre autres choses, le demandeur a réclamé des dommages-intérêts fondés sur les délits de moyens illégaux et de complot de moyens illégaux, et s’est appuyé principalement sur des infractions à la Loi sur la concurrence comme constituant les « moyens illégaux ». Les défendeurs ont fait valoir, à la suite de la décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’affaire Wakelam, que les demandeurs ne peuvent pas invoquer les violations de la Loi sur la concurrence comme « moyens illégaux » pour l’un ou l’autre des délits, parce que le législateur voulait que l’article 36 de la Loi sur la concurrence soit le recours civil exclusif pour les demandeurs lésés par une conduite anticoncurrentielle.

Le juge Brown a toutefois rejeté cet argument, principalement en s’appuyant sur les décisions de la Cour suprême du Canada dans les affaires Pro-Sys Consultants Ltd c Microsoft Corporation, 2013 CSC 57, et A.I. Enterprises Ltd c Bram Enterprises Ltd, 2014 CSC 12. Dans l’affaire Pro-Sys, la Cour suprême du Canada a refusé d’annuler les réclamations pour des moyens illégaux et des moyens illégaux de complot, même si, comme dans l’affaire Fairhurst, elles étaient fondées sur des infractions à la Loi sur la concurrence. Dans l’arrêt Bram, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur les éléments du délit illicite et a laissé entendre qu’une violation d’une loi pourrait constituer un « moyen illégal » aux fins du délit illicite lié au complot. Une affaire de violation de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions (prédécesseur de la Loi sur la concurrence) a été citée favorablement. La juge Brown a décrit ces décisions comme étant contradictoires avec Wakelam, mais elle croyait qu’elle était liée par l’autorité supérieure de la Cour suprême du Canada.

À notre avis, la viabilité des actions en responsabilité délictuelle fondées sur des infractions à la Loi sur la concurrence demeure une question ouverte. Bien que la Cour suprême du Canada ait refusé de radier de telles réclamations dans l’affaire Pro-Sys, elle l’a fait uniquement au motif que les éléments des délits illégaux étaient en constante évolution, en attendant la publication de la décision Bram (qui, à l’époque, était encore en réserve). La Cour suprême du Canada n’a pas donné de raisons détaillées pour refuser de radier les revendications et n’a pas accepté ou rejeté l’argument de codification de Wakelam (cette décision n’avait pas encore été rendue). La décision dans l’affaire Bram a été rendue après Wakelam, mais seulement un jour après, et elle n’aborde pas non plus la question de la codification.

Comment réconcilier Wakelam d’une part avec Pro-Sys et Bram d’autre part sera devant la Cour d’appel de la Colombie-Britannique la semaine prochaine, lorsqu’elle commencera à entendre l’appel de la décision Watson. Il reste à voir quelle approche les tribunaux de l’Ontario et des autres provinces adopteront lorsqu’ils seront confrontés à l’argument de la codification. À l’heure actuelle, en Colombie-Britannique, les infractions à la Loi sur la concurrence peuvent être utilisées pour appuyer des réclamations en responsabilité délictuelle, mais pas pour appuyer des réclamations en équité. S’il y a un fondement rationnel à cette distinction, les tribunaux ne l’ont pas encore suggérée.

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