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Des entreprises canadiennes pourraient maintenant être poursuivies au Canada pour des violations présumées des droits de la personne à l’étranger, selon la Cour suprême du Canada

02 avril 2020

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Écrit par Andrew D. Little, Gannon G. Beaulne, and Katrina E. Crocker

Un petit groupe d’anciens travailleurs érythréens a remporté une victoire préliminaire étroite, mais importante, à la Cour suprême du Canada dans une poursuite en Colombie-Britannique qui allègue des violations des droits de la personne contre une entreprise canadienne exerçant ses activités à l’extérieur du Canada. Une faible majorité de juges a conclu que l’affaire pouvait aller de l’avant contre une société minière canadienne établie en Colombie-Britannique, rejetant une requête de la défense visant à radier les revendications à une étape préliminaire.

Plus tôt cette année, Bennett Jones a flagged Araya v Nevsun Resources Ltd comme un appel clé de la Cour suprême à surveiller en 2020. L'decision, publiée le 28 février, n’a pas déçu. La Cour suprême s’est divisée 5-4, avec de vigoureuses opinions dissidentes.

Dans un développement remarquable du droit, une majorité de la Cour suprême a reconnu qu’une entreprise canadienne pouvait être tenue responsable au Canada d’une nouvelle allégation de violation du droit international coutumier (CIL) qui s’est produite dans un autre pays.

La Cour suprême de la Colombie-Britannique et la Cour d’appel de la Colombie-Britannique avaient toutes deux précédemment a confirmé que les demandeurs érythréens, qui avancent des réclamations à l’égard de leurs travaux antérieurs présumés dans une mine d’or en Érythrée, pouvaient poursuivre leur poursuite contre la société canadienne. Les travailleurs ont demandé réparation en Colombie-Britannique pour la complicité présumée de l’entreprise canadienne dans des pratiques qu’ils prétendent être des violations des droits de la personne - travail forcé, esclavage, traitements cruels, inhumains ou dégradants et crimes contre l’humanité - qui auraient été perpétrés par le propriétaire de la mine, une entreprise érythréenne appartenant en minorité au gouvernement érythréen et en majorité par des filiales indirectes de Nevsun.

La poursuite va maintenant aller de l’avant vers une audience de l’affaire sur le fond.

La décision de la Cour suprême est très importante en ce qui concerne les réclamations fondées sur des allégations de violations des droits de la personne à l’extérieur du Canada. Mais il reste beaucoup à décider devant les tribunaux canadiens. Voici cinq considérations notables que les entreprises canadiennes et leurs avocats devraient garder à l’esprit à la suite de l’arrêt Araya.

1. Ce n’est pas la fin de l’histoire d’Araya

La décision de la Cour suprême portait sur une requête préliminaire. Il n’y a pas eu de procès. Le bien-fondé des réclamations reste à déterminer. À chaque palier de juridiction, les juges ont appliqué un critère juridique différent de celui qu’un juge de première instance appliquerait, et ce, sans l’avantage d’une preuve sur le fond. Araya revient maintenant à l’enquête préalable et à d’autres processus préparatoires au procès en Colombie-Britannique, où un juge de première instance peut éventuellement aborder une foule de nouvelles questions, y compris les points soulevés par les juges dissidents de la Cour suprême.

2. Le rejet de la doctrine de l’acte d’État peut avoir des répercussions immédiates

L’un des principaux points à retenir juridiquement de la décision de la Cour suprême dans l’affaire Araya est que les tribunaux canadiens peuvent se prononcer sur la légalité des actions d’un autre État souverain. Sept des neuf juges ont conclu que la doctrine de l'« acte d’État » ne fait pas partie de la common law canadienne. Les implications de cette conclusion juridique peuvent jouer dans d’autres cas, étant donné que la pandémie de COVID-19 a déjà généré des réclamations dans d’autres juridictions contre des gouvernements étrangers (voir discussion sur Bella Vista LLC, et al c La République populaire de Chine, et al).

3. Il n’est pas clair comment les tribunaux canadiens de première instance aborderont les réclamations de type violation de CIL

L’opinion majoritaire dans l’affaire Araya contient des déclarations générales sur les « normes impératives du droit international coutumier » et d’autres concepts du droit international public. Mais de nombreuses questions pratiques et juridiques demeurent, et il n’est pas clair comment les tribunaux de première instance canadiens répondront aux allégations de violation de CIL. Les juges adopteront-ils ou résisteront-ils à ces principes de droit international relativement non testés? Les tribunaux reconnaîtront-ils de nouvelles causes d’action en responsabilité délictuelle, inspirées par CIL? Dans l’affirmative, comment les tribunaux adapteront-ils le droit canadien traditionnel à ces nouveaux délits fondés sur la CIL? L’opinion majoritaire dans l’affaire Araya offre peu de réponses claires, de sorte que les tribunaux inférieurs devront trier les réponses à ces questions et à d’autres au fil du temps, au moins jusqu’à ce que les cours d’appel aient l’occasion de clarifier.

4. Il y a beaucoup d’autres questions complexes en jeu

À la Cour suprême, l’opinion dissidente des juges Brown et Rowe tire l’une des nombreuses complications dans les réclamations pour une violation présumée de CIL: quelle loi du pays s’applique? En vertu des règles canadiennes de conflit de lois applicables aux délits, les tribunaux canadiens appliqueront le droit substantiel de la juridiction dans laquelle le préjudice allégué s’est produit – dans Araya, on peut présumer qu’il s’agit du droit de l’Érythrée. Cela a de nombreuses implications. Par exemple, il n’est pas clair comment les tribunaux appliqueront les règles de choix de la loi applicable pour les réclamations CIL. Il existe déjà des exceptions légales à l’application du droit étranger. Les tribunaux canadiens peuvent également accepter de nouveaux arguments selon lesquels le droit matériel canadien devrait s’appliquer dans les réclamations CIL. De plus, une loi étrangère régissant les réclamations en responsabilité délictuelle des demandeurs doit être prouvée par une preuve d’expert devant un tribunal canadien , en supposant qu’une violation du droit étranger appuie la responsabilité du tout. En bref, il y a beaucoup de questions laissées sans réponse par Araya.

5. Araya n’est pas le premier ou le dernier cas du genre

La décision de la Cour suprême dans l’affaire Araya reflète une volonté croissante de certains tribunaux d’entendre des affaires dites « transnationales », c’est-à-dire des réclamations déposées par des résidents étrangers dans les juridictions d’origine d’entreprises sur la base d’un préjudice qui se serait produit à l’étranger. Dans une autre procédure transnationale, la Cour suprême du Royaume-Uni a accepté en 2019 qu’une société mère anglaise puisse avoir une obligation de diligence en vertu du droit de la responsabilité délictuelle envers des tiers touchés par les opérations de sa filiale étrangère (voir Vedanta Resources Plc v Lungowe).

Araya fait partie d’une petite cohorte de cas canadiens soulevant des questions similaires pour des entreprises canadiennes ayant des activités ou des investissements dans des projets par l’intermédiaire de filiales dans un pays étranger. D’autres affaires canadiennes comprennent Garcia v Tahoe Resources Inc et Choc v Hudbay Minerals Inc. Cependant, pas plus tard que l’an dernier, la Cour suprême a rejeté une demande d’autorisation d’appel de la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans Das v George Weston Limited. Dans cette affaire, Bennett Jones a représenté plusieurs des défendeurs qui ont obtenu avec succès la dismissal d’un recours collectif proposé lié à la tragédie de l’effondrement de l’usine Rana Plaza à Savar, au Bangladesh.

En conclusion, la porte s’ouvre peut-être quelque peu aux allégations de responsabilité d’entreprise transnationale. Bien que beaucoup d’incertitude demeure, araya nous sait que les allégations de violation de CIL peuvent, si elles sont correctement plaidées dans une déclaration, survivre à une requête en radiation pour avoir omis d’énoncer une cause d’action défendable. D’un point de vue pratique, c’est important en soi. Il reste à voir comment ces allégations se porteront lors d’un procès sur la base d’éléments de preuve complets. Entre-temps, nous verrons probablement d’autres réclamations de plaignants étrangers contre des entreprises canadiennes fondées sur des violations présumées des droits de la personne à l’étranger.

Si vous avez des questions découlant de cette affaire, veuillez contacter les auteurs ou un membre du Bennett Jones Commercial Litigation Group, Class Actions Practice Group, ou Mining Group.

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