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Le Canada annonce des modifications proposées aux contrôles des exportations d’armes afin de se conformer au Traité sur le commerce des armes

06 juillet 2016

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Le 30 juin 2016, le gouvernement du Canada a annoncé son intention de modifier le système de contrôle des exportations du Canada afin de se conformer au Traité sur le commerce des armes (TCA). Les changements proposés comprennent de nouveaux règlements sur le courtage d’armes, une officialisation des critères d’évaluation des licences d’exportation d’une manière qui nécessite un équilibre entre les intérêts potentiellement conflictuels et une transparence accrue dans les rapports. L’échec du Canada à mettre en œuvre le TFA en 2014, aux côtés de la majorité de ses partenaires de l’OTAN, a compliqué l’examen par le gouvernement fédéral de transactions potentiellement controversées comme la vente récente de véhicules blindés légers (VBL) à l’Arabie saoudite. Les changements entreront en vigueur au cours de la prochaine année puisque le gouvernement a l’intention de devenir officiellement un État partie au TSA d’ici juin 2017.

Contexte

Le TSA est un accord international contraignant régissant les transferts d’armes classiques. Il s’agit de la première tentative depuis la Seconde Guerre mondiale d’imposer des restrictions légales sur les transferts d’armes classiques. La NT est entrée en vigueur le 24 décembre 2014. Tous les membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et du Groupe des Sept sont signataires ou états parties, à l’exception du Canada.

Le premier ministre Justin Trudeau a fait une promesse de campagne de se joindre au TCA et a demandé au ministre des Affaires étrangères Stéphane Dion d’engager officiellement le Canada à respecter le TCA. Le Canada doit adopter des lois et des règlements pour mettre en œuvre les obligations découlant des traités avant de pouvoir devenir un État partie. Le système de contrôle des exportations du Canada est déjà conforme à la plupart des dispositions du TSA. Le gouvernement prévoit préciser les nouveaux critères d’évaluation des exportations exigés par le TCA et introduire de nouveaux règlements sur le courtage pour se conformer au traité. Le gouvernement a déclaré qu’il consulterait étroitement l’industrie et la société civile au fur et à mesure qu’il élaborera ces changements. Le gouvernement fédéral précédent a refusé de signer le TS parce qu’il craignait qu’il n’interfère avec la possession privée d’armes à feu.

Critères d’évaluation

L’article 7 du TSA régit les critères d’évaluation des exportations. L’article 7 établit que les États exportateurs doivent procéder à une évaluation des risques, envisager des mesures d’atténuation et appliquer un critère de risque prépondérant avant d’approuver une exportation d’armes. Ces trois étapes sont décrites ci-dessous :

  1. L’État exportateur doit évaluer si l’exportation d’armes classiques contribuerait ou saperait la paix et la sécurité. Il doit également évaluer si les armes peuvent être utilisées pour commettre ou faciliter des violations graves du droit international humanitaire, des violations graves du droit international des droits de l’homme, des actes terroristes ou la criminalité transnationale organisée.
  2. L’État exportateur doit se demander s’il pourrait atténuer ces risques par des mesures de confiance ou des programmes conjoints avec l’État importateur.
  3. L’État exportateur ne doit pas autoriser l’exportation s’il détermine qu’il existe un risque prépondérant de conséquences négatives après les phases d’évaluation et d’atténuation.

Le gouvernement prévoit intégrer les facteurs prévus à l’article 7 et le processus d’évaluation dans la législation canadienne. Le ministre Dion a déclaré que le gouvernement modifiera la Loi sur les licences d’exportation et d’importation (L.R.C. (1985), ch. E-19) pour y inclure les critères de l’article 7. Les modifications obligeront légalement le ministre des Affaires étrangères à tenir compte des facteurs de l’article 7 lorsqu’il prendra une décision en matière de licence d’exportation.

La politique actuelle du Canada en matière de contrôle des exportations comporte en fait un critère plus strict que l’article 7 du TNT. Les critères d’évaluation des exportations du Canada sont énoncés dans une politique du Cabinet de 1986. La politique stipule que le Canada contrôlera étroitement les exportations d’armes vers des pays qui ont des antécédents persistants de violations graves des droits de la personne, à moins qu’il n’y ait pas de risque raisonnable que les armes soient utilisées contre la population civile du pays. Le critère de l’absence de risque raisonnable crée une présomption de prudence qui est plus stricte que le critère du risque primordial du TSA.

Toutefois, les facteurs de risque liés au TSA ont une portée plus large que les lignes directrices actuelles du Canada, qui ont été la source d’une récente controverse concernant la vente de véhicules blindés légers (VBL) à l’Arabie saoudite. Les lignes directrices de 1986 ne tiennent compte que des violations graves des droits de l’homme contre la propre population d’un pays, mais les critères du TSA tiennent compte des violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières d’un État importateur. Le TA exige également la prise en compte des risques liés au terrorisme et au crime organisé transnational ainsi que des préoccupations en matière de droits de la personne.

Le ministre Dion a indiqué que le gouvernement élaborera une politique claire sur le critère du risque prépondérant à l’article 7. L’approche du gouvernement à l’égard du critère du risque prépondérant intéressera l’industrie. Les négociateurs du TSA n’ont pas précisé le sens du risque prépondérant et le terme n’a pas de sens précis en droit international. Ce qui est clair, cependant, c’est qu’en appliquant le critère, les gouvernements seront tenus d’équilibrer des intérêts potentiellement contradictoires tels que la promotion de la paix et de la sécurité internationales, la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, et la limitation des violations du droit humanitaire et des droits de l’homme. Cette exigence d’équilibrage sera essentielle dans l’examen des transactions futures telles que la vente de VBL en Arabie saoudite, où la sécurité régionale, l’antiterrorisme et les droits de l’homme interagissent dans un contexte très complexe.

Courtage

L’article 10 du TS oblige les États à réglementer le courtage d’armes classiques. Les mesures réglementaires peuvent comprendre un système d’inscription des courtiers ou une autorisation individuelle de courtage. Néanmoins, le TSA ne définit pas le courtage et laisse des mesures spécifiques entièrement à la discrétion des États parties. Le courtage peut comprendre les activités suivantes :

Le gouvernement ne sait pas combien il y a de courtiers au Canada ni où ils exercent leurs activités. Il a déclaré qu’il consulterait l’industrie et la société civile lors de l’préparation des règlements.

Le règlement sur le courtage pourrait avoir une incidence sur la Corporation commerciale canadienne (CCC). La CCC est une société d’État qui agit à titre d’intermédiaire entre l’industrie canadienne de la défense et les gouvernements étrangers qui préfèrent souvent traiter directement avec les gouvernements en matière de défense. L’activité de la CCC pourrait entrer dans la définition du courtage, bien que le gouvernement n’ait pas encore indiqué si les règlements sur le courtage couvriront la CCC.

Il n’est pas clair non plus si les règlements du Canada s’appliqueront de façon extraterritoriale aux citoyens canadiens qui vivent ou travaillent à l’étranger. Le Canada se méfie traditionnellement de l’adoption de lois extraterritoriales. Toutefois, le Canada applique de plus en plus de sanctions économiques de façon extraterritoriale aux activités des ressortissants et des entreprises canadiennes à l’étranger, et les Nations Unies ont laissé entendre que la réglementation du courtage serait plus efficace si elle s’appliquait de façon extraterritoriale.

Mesures de transparence

Le gouvernement prévoit également de rendre les rapports sur les exportations d’armes plus transparents. Le TSA ne prescrit pas ces mesures. Au lieu de cela, ils sont une réponse à la préoccupation du public que le système de contrôle des exportations manque de transparence. Le gouvernement a signalé qu’il avait l’intention d’accroître la transparence sans compromettre la confidentialité des transactions d’armes. Cela donne à penser que le Canada n’a pas l’intention de nommer chaque année les entreprises et les transactions à l’origine des principales exportations d’armes, comme la Suède ds. Le gouvernement prévoit travailler en étroite collaboration avec l’industrie pour déterminer quels types de renseignements peuvent être diffusés en toute sécurité.

Conséquences

Le gouvernement prévoit consulter étroitement ses partenaires de l’industrie au cours de la prochaine année à mesure qu’il élaborera les modifications législatives, les règlements et les changements de politique. Les entreprises de l’industrie de la défense seraient bien avisées de collaborer avec le gouvernement et de suivre de près l’évolution des changements proposés. Les changements pourraient apporter une plus grande certitude, mais ils imposeront probablement de nouvelles exigences de conformité à l’industrie. Les changements apportés aux critères d’évaluation des exportations seront la première modification apportée à la politique de contrôle des exportations du Canada depuis 1986 et sont particulièrement dignes de mention. Un conseiller juridique devrait participer à la conversation sur les changements proposés pour aider à déterminer comment ils auront une incidence sur les activités d’une entreprise.

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