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Au-delà des préjudices graves : La BCCA établit un nouveau critère à rejeter pour manque de poursuites

24 janvier 2024

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Écrit par David Gruber, Jennine Punzalan and Maruska Giacchetto

Il n’est pas rare qu’un demandeur perde son intérêt à intenter un litige sans être disposé à mettre fin à un litige ou à le régler, ou qu’il entame un litige pour préserver un délai de prescription sans s’engager à le poursuivre. La règle 22-7(7) des Règles de la Cour suprême de la Colombie-Britannique stipule que s’il apparaît au tribunal qu’il y a un manque de poursuites dans une procédure, le tribunal peut ordonner le rejet de l’affaire.   Cette règle a été appliquée sur la base d’une analyse à l’aide d’un critère établi par le tribunal. Mais les défendeurs de la Colombie-Britannique qui ont cherché à utiliser la règle pour mettre fin à des litiges inactifs ont souvent été frustrés dans leurs tentatives.

Dans l’affaire Giacomini Consulting Canada Inc c. Les propriétaires, Strata Plan EPS 3173, 2023 BCCA 473 [Giacomini], la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a révisé ce critère existant. Le critère précédent exigeait que le tribunal détermine si le retard excessif et inexcusable causait un « préjudice grave » au défendeur. Ce préjudice grave a été défini comme un préjudice qui a une incidence sur la capacité du défendeur de défendre l’action. Dans l’arrêt Giacomini, la Cour a conclu que cette définition était trop limitée. Elle a empêché un examen complet et souple des répercussions d’un retard excessif et inexcusable sur les intérêts de la justice.

Le nouveau critère a révisé l’analyse du préjudice grave à une question plus générale : est-il dans l’intérêt de la justice que l’action soit intentée malgré l’existence d’un délai excessif et inexcusable ? La Cour a également énuméré les divers facteurs qui seraient utiles pour examiner quels sont les intérêts de la justice dans chaque cas.

Dans l’ensemble, le nouveau critère n’offre aucune sorte de garantie pour les défendeurs mécontents que le délai seul peut être invoqué pour obtenir un congédiement. Cependant, il élargit considérablement ce qu’un tribunal considère comme dans l’intérêt de la justice pour les deux parties. Le nouveau critère établi dans l’affaire Giacomini offre donc un moyen supplémentaire de promouvoir un règlement rapide et rentable des différends.  

Historique

L’action portait sur un différend en matière de construction mettant en cause un système de CVC installé dans une tour résidentielle (la tour résidentielle). Le demandeur était une société en copropriété (la société en copropriété) représentant plusieurs propriétaires de la tour résidentielle, à savoir les propriétaires du plan d’investissement en copropriété EPS 3173. En août 2019, la Strata Corporation a déposé une poursuite civile au registre de Chilliwack contre de nombreuses parties, y compris Giacomini Consulting Canada Inc. et Giacomini S.P.A. (collectivement, Giacomini ou les défendeurs). Giacomini était le fournisseur de composants liés au CVC, à savoir des radiateurs et des ventilo-convecteurs, pour la tour résidentielle.

En février 2021, Giacomini a déposé une demande de radiation d’une partie de la plaidoirie du demandeur ou de rejet de la réclamation contre eux pour défaut de poursuites. En mai 2021, l’avocat de Giacomini a proposé d’ajourner les demandes sous réserve de la réception d’un avis de réclamation modifié dans un délai d’un mois de la part de la Strata Corporation et de déplacer trois actions connexes du registre de Chilliwack au registre de Vancouver. Bien que le demandeur ait accepté d’ajourner les demandes, il n’a pas modifié les actes de procédure avant mars 2023 et n’a pas produit de liste de documents. Par la suite, Giacomini a déposé une demande de rejet de l’action pour défaut de poursuites devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique le 31 janvier 2023.

La décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique

Pour déterminer si l’action contre Giacomini devait être rejetée faute de poursuites, la juge de chambre, madame la juge Walkem, a appliqué le critère existant, tel qu’il est décrit dans l’arrêt Wiegert c. Rogers1 , qui exigeait que la Cour évalue (1) s’il y a eu un retard excessif, (2) dans l’affirmative, si le retard est inexcusable, (3) si ledit retard a causé, ou est-elle susceptible de causer un préjudice grave au défendeur, et (4) si les premiers facteurs ont été établis, dans l’ensemble, si les intérêts de la justice exigent un rejet de l’action2.

En appliquant le critère susmentionné, le juge Walkem a conclu qu’il y avait eu un retard excessif de la part de la Société des copropriétaires et que le retard était inexcusable. Cependant, le juge Walkem a rejeté l’argument selon lequel le retard dans le litige avait causé un préjudice à Giacomini en raison de la stigmatisation d’avoir le litige « suspendu au-dessus de leur entreprise ».3 La stigmatisation était insuffisante pour établir le « préjudice grave », le seul préjudice pertinent étant le préjudice qui a une incidence sur la capacité du défendeur de défendre l’action. Ainsi, le juge Walkem a conclu qu’il n’était pas dans l’intérêt de la justice de rejeter la demande pour manque de poursuites. 4

La décision de la Cour d’appel

Giacomini a interjeté appel de la décision du juge en chambre de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique et a simultanément demandé à la Cour d’appel de réviser le critère existant pour le rejet pour défaut de poursuites.

La Cour d’appel a été formée d’une division de cinq membres qui a permis à la Cour d’examiner si le critère existant pour le rejet pour défaut de poursuites devrait être révisé. 5 L’honorable juge Horsman, s’exprimant au nom de la Cour d’appel, a conclu que le critère existant en Colombie-Britannique ne permettait pas de tenir pleinement compte de l’intérêt public. Le critère existant n’a pas tenu compte adéquatement de l’incidence du délai déraisonnable sur les intérêts des défendeurs au-delà de leur capacité de défendre l’action, et n’a pas tenu compte des répercussions plus larges sur le système de justice. 6Néanmoins, la Cour d’appel a rejeté l’appel de la décision du juge en chambre, estimant qu’il était dans l’intérêt de la justice d’autoriser l’action à aller de l’avant.

À l’aide du critère révisé (tel que défini ci-dessous), la Cour d’appel a conclu qu’il était dans l’intérêt de la justice de permettre à l’action de la Société des copropriétaires contre Giacomini d’aller de l’avant, malgré le retard. L’allégation de préjudice de Giacomini manquait de détails, et ils n’avaient fait aucun effort pour faire pression sur la Société des copropriétaires afin qu’elle s’engage à un calendrier plus clair sur les prochaines étapes. De plus, les retards de la Société des copropriétaires étaient justifiés : une enquête en cours sur les vices de construction qui étaient à la base de la réclamation a révélé d’autres défauts. 7

Le critère révisé pour le congédiement en cas d’inseavis de poursuites

La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a modifié le critère comme suit :

  1. Le défendeur a-t-il établi que le retard du demandeur dans la poursuite de l’action est excessif ?
  2. Le délai est-il inexcusable ?
  3. Si les questions des alinéas (1) et (2), auxquelles il faut répondre conformément à la loi qui s’est développée en Colombie-Britannique selon le critère précédent, ont reçu une réponse affirmative, la Cour doit alors se demander s’il est dans l’intérêt de la justice que l’action soit intentée malgré l’existence d’un délai excessif et inexcusable ? 8

La Cour d’appel a expliqué qu’à l’étape de la justice, « la cour devrait examiner toutes les circonstances pertinentes plutôt que d’accorder la priorité à l’incidence du retard sur l’équité du procès9 ». Ainsi, citant l’arrêt International Capital Corporation c Robinson Twigg & Ketilson10 , la Cour d’appel a déclaré que les facteurs non exhaustifs suivants étaient utiles pour déterminer si l’intérêt de la justice justifiait d’intenter l’action malgré tout du retard :

La Cour d’appel a ajouté que le bien-fondé de l’action devrait également être inclus dans la liste des facteurs pertinents à prendre en considération en vertu du troisième volet du critère. Enfin, en conclusion, la Cour d’appel a fait les trois commentaires suivants :


1 Wiegert c Rogers, 2019 BCCA 334.

2 Les propriétaires, Strata Plan EPS 3173 c Intracorp S.W. Marine Limited Partnership, 2023 BCSC 1003 au para 9.

3 Giacomini Consulting Canada Inc. c Les propriétaires, Strata Plan EPS 3173, 2023 BCCA 473 au para 21 ; Les propriétaires, Strata Plan EPS 3173 c Intracorp S.W. Marine Limited Partnership, 2023 BCSC 1003, au para 43.

4 Giacomini Consulting Canada Inc. c Les propriétaires, Strata Plan EPS 3173, 2023 BCCA 473 au para 22 ; Les propriétaires, Strata Plan EPS 3173 c Intracorp S.W. Marine Limited Partnership, 2023 BCSC 1003, au para 45.

5 Giacomini Consulting Canada Inc. c Les propriétaires, Strata Plan EPS 3173, 2023 BCCA 473 au para 26.

6 Giacomini Consulting Canada Inc. c Les propriétaires, Strata Plan EPS 3173, 2023 BCCA 473 aux para 57-58.

7 Giacomini Consulting Canada Inc. c Les propriétaires, Strata Plan EPS 3173, 2023 BCCA 473 aux para 78-83.

8 Giacomini Consulting Canada Inc. c Les propriétaires, Strata Plan EPS 3173, 2023 BCCA 473 aux para 69-70.

9 Giacomini Consulting Canada Inc. c Les propriétaires, Strata Plan EPS 3173, 2023 BCCA 473 au para 72.

10 International Capital Corporation c. Robinson Twigg et Ketilson, 2010 SKCA 48.

11 Giacomini Consulting Canada Inc. c Les propriétaires, Strata Plan EPS 3173, 2023 BCCA 473 aux para 66, 68, 71.

12 Giacomini Consulting Canada Inc. c Les propriétaires, Strata Plan EPS 3173, 2023 BCCA 473 aux para 74-76.

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