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Un effort renouvelé pour présenter un projet de loi visant à lutter contre l’esclavage moderne dans les chaînes d’approvisionnement des entreprises

02 décembre 2020

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Écrit par Sharon Singh, Sabrina A. Bandali, Radha Curpen, Darrel Pearson and Jadeney Wong

À la suite de deux efforts antérieurs ( dont Bennett Jones a déjà parlé), le Parlement envisage à nouveau un projet de loi pour lutter contre l’esclavage moderne dans les chaînes d’approvisionnement des entreprises. Bill S-216: An Act to enact the Modern Slavery Act and to amend the Customs Tariff is currently at second reading in the Senate après son introduction par le sénateur Miville-Dechêne.

S’il est adopté, le projet de loi exigera que certaines entités déclarent publiquement les mesures qu’elles ont prises pour prévenir et réduire le risque que le travail des enfants ou le travail forcé ait été utilisé à n’importe quelle étape de la production de biens au Canada ou ailleurs dans la chaîne d’approvisionnement des entités pour les marchandises importées. Le projet de loi restreindra également le commerce des importations de tout bien fabriqué ou produit, en tout ou en partie, par le travail des enfants, ajoutant à l’interdiction d’importer des biens fabriqués avec le travail forcé introduite plus tôt cette année.

Les formes modernes d’esclavage sont répandues dans de nombreuses chaînes d’approvisionnement internationales. Le 2018 Global Slavery Index a révélé que le Canada importe environ 14,6 milliards de dollars américains de biens de consommation (par exemple, ordinateurs portables, ordinateurs et téléphones mobiles, vêtements et accessoires vestimentaires, or, poisson et produits de canne à sucre) avec des chaînes d’approvisionnement de production qui utilisent des pratiques d’esclavage modernes. Le projet de loi renforce l’importance pour les entreprises de continuer à examiner, identifier et traiter leurs pratiques, processus et exposition au travail forcé et au travail des enfants, y compris la confirmation que de telles pratiques (i) ne sont pas déjà présentes, et (ii) ne passeront pas inaperçues si elles devaient émerger à l’avenir.

Bien que l’expression « esclavage moderne » englobe un large éventail de pratiques d’exploitation allant de la servitude pour dettes à la traite de personnes, le projet de loi S-216 du Canada traite de deux formes précises d’esclavage moderne : le travail des enfants ou le travail forcé.

Aperçu du projet de loi S-216

1. Qu’est-ce que l’esclavage moderne?

Le projet de loi définit :

2. Que fera le projet de loi?

Le projet de loi propose d’utiliser deux ensembles d’outils juridiques : (i) les restrictions à l’importation, qui s’ajoutent aux restrictions à l’importation récemment introduites par le Canada pour les marchandises produites au moyen du travail forcé; et (ii) un régime public de déclaration obligatoire pour certaines entités.

(i) Restrictions à l’importation

L’interdiction d’importer des marchandises « extraites, fabriquées ou produites en tout ou en partie par le travail forcé » a été introduite par la loi de mise en œuvre du nouvel Accord de libre-échange nord-américain, le état Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM, aussi connu sous le nom d’AEUMC, ou T-MEC), qui est entré en vigueur le 1er juillet 2020. Bien que cette interdiction (et ses conséquences criminelles potentielles en vertu de la Loi sur les douanes) soit en vigueur depuis juillet, en date du 2 décembre 2020, le gouvernement fédéral n’a pas encore rendu publiques ses politiques d’application de la loi et d’administration. Par exemple, il n’y a pas de définition claire du « travail forcé » ni de norme de connaissance clarifiée qui soit requise pour déterminer si les marchandises importées sont prohibées ou non.

Le projet de loi résout cette lacune législative en définissant le travail forcé (mentionné ci-dessus), y compris en se référant aux engagements internationaux existants du Canada. Bien que l’importation de marchandises fabriquées ou produites, en tout ou en partie, avec le travail forcé soit déjà interdite, le projet de loi modifierait le Tarif des douanes afin d’interdire également les importations de marchandises effectuées au moyen du travail des enfants. L’importation délibérée de marchandises faites avec le travail forcé ou le travail des enfants peut entraîner plusieurs infractions pénales énoncées dans la loi sur les douanes.

Par essence, le régime de restriction à l’importation – d’abord introduit par l’ACEUM et amplifié par le projet de loi – s’appliquerait à tous les importateurs de marchandises qui sont extraites, fabriquées ou produites en tout ou en partie par le travail forcé ou le travail des enfants. Cette disposition relative à l’application des lois commerciales différencie le projet de loi proposé par le Canada de la législation sur l’esclavage moderne dans d’autres juridictions internationales, comme le Royaume-Uni ou l’Australie.

(ii) Obligations de déclaration, pouvoirs d’inspection et application de la loi

Comme c’est le cas pour les projets de loi précédents, le projet de loi S-216 prévoit que chaque entité en vertu de la Loi doit faire rapport annuellement au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile des mesures qu’elle a prises pour prévenir et réduire le risque de son utilisation du travail forcé ou des enfants tout au long de sa chaîne d’approvisionnement. Ces rapports annuels seraient mis à la disposition du public sur le site Web de l’entité ainsi que par l’entremise du registre électronique central du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile.

Le projet de loi crée également un régime d’inspection et accorde au ministre le pouvoir d’exiger d’une entité qu’elle fournisse certaines informations sur ses processus de fabrication, de production, de croissance, d’extraction et de production ainsi que sur ses politiques relatives aux enfants et au travail forcé. Contrairement aux projets de loi précédents sur l’esclavage moderne, la date de déclaration annuelle obligatoire du projet de loi est maintenant au plus tard 180 jours après la fin de chaque exercice financier, ce qui correspond à la fin de l’exercice financier des sociétés.

En ce qui concerne l’application des obligations de déclaration, les entités qui ne se conforment pas aux obligations de déclaration, de publication et/ou d’assistance en matière d’inspection énoncées respectivement aux articles 7, 8, 11(4) ou 13 du projet de loi proposé, seraient passibles d’une infraction sommaire passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 250 000 $. Cette pénalité s’appliquerait également aux entités qui font sciemment des déclarations fausses ou trompeuses dans leurs rapports. Le ministre a également le pouvoir d’ordonner à une entité de prendre les mesures correctives jugées nécessaires pour se conformer aux obligations de déclaration et de publication.

3.To Qui le projet de loi s’appliquera-t-il?

Les restrictions à l’importation introduites par le projet de loi ont une application générale; aucun importateur ne peut importer de marchandises prohibées. L’exigence de déclaration s’applique aux entités, telles que définies. Aux termes du projet de loi, une « entité » est une société, une fiducie, une société de personnes ou une autre organisation non constituée en personne morale qui :

  1. est cotée en bourse au Canada;
  2. a un lieu d’affaires au Canada, fait des affaires au Canada ou possède des actifs au Canada et qui, selon ses états financiers consolidés, satisfait à au moins deux des conditions suivantes pour au moins un de ses deux exercices financiers les plus récents :
    1. a un actif d’au moins 20 millions de dollars;
    2. a généré des revenus d’au moins 40 millions de dollars;
    3. emploie en moyenne au moins 250 personnes; ou
  3. est prescrit par règlement.

Parmi ces entités définies, le projet de loi ne s’appliquerait qu’à celles qui :

  1. produire ou vendre des biens au Canada ou ailleurs;
  2. importer au Canada des marchandises produites à l’étranger; ou
  3. contrôler une entité qui se livre à toute activité décrite aux alinéas a) ou b).

Par conséquent, le projet de loi applique un critère similaire à celui de la Extractive Sector Transparency Measures Act, ciblant les grandes entités qui opèrent avec des lignes de production mondiales, y compris les sociétés et leurs filiales. Le projet de loi prévoit également que les règlements futurs peuvent élargir la portée de la qualification d’une entité. Bien que le projet de loi ne se concentre pas sur des industries spécifiques, l’application saisit des entités dans une variété d’industries, y compris, mais sans s’y limiter: les secteurs minier, pétrolier et gazier, vêtements et électroniques.

Aller de l’avant

Le risque accru de faire face à des interdictions et des sanctions commerciales, en plus de la pression accrue du public pour dénoncer les violations des droits de l’homme et des pratiques d’esclavage moderne, nécessite une évaluation et une action continues. Comme il s’agit d’un moment opportun pour agir par le secteur privé, les entreprises canadiennes doivent s’attaquer aux risques liés aux pratiques d’esclavage moderne au sein de leurs chaînes d’approvisionnement de production.

Les entités doivent examiner et auditer non seulement leur propre exposition au risque, mais aussi celles de leurs chaînes d’approvisionnement actuelles et potentielles. Ils devront également établir des systèmes et des pratiques pour surveiller et auditer leur chaîne d’approvisionnement, la dénonciation, les rapports publics appropriés et s’assurer que les clauses contractuelles nécessaires sont en place pour répartir de manière appropriée les risques et les responsabilités aux parties concernées de la chaîne d’approvisionnement.

Les risques s’étendent au-delà de ceux liés à l’exposition en vertu de la législation nationale actuelle. Par exemple, le sénateur a d’abord proposé le projet de loi S-211 à peu près au même moment que la décision de 2020 de la Cour suprême du Canada nevsun Resources Ltd c Araya, qui a statué que les sociétés qui exercent des pratiques de travail forcé à l’étranger ne sont pas exclues de la responsabilité au Canada pour leurs violations internationales des droits de la personne ou des violations de l’universal normes du droit international (voir notre blog sur la décision).

Avant d’être adopté, le projet de loi S-216 doit passer les deuxième et troisième lectures au Sénat, ainsi que trois lectures à la Chambre des communes, puis recevoir la sanction royale. Dans sa forme actuelle, la Loi sur l’esclavage moderne et les modifications au Tarif des douanes entreront en vigueur le 1er janvier, l’année suivant la sanction royale du projet de loi.

Contactez un membre du Bennett Jones International Trade & Investment or ESG practice group pour discuter des méthodes de mise en œuvre de mesures de gouvernance robustes et de pratiques conformes, y compris l’élaboration de politiques et de programmes de formation, pour gérer les risques et évaluer l’exposition aux réclamations liées au travail des enfants ou forcées.

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